Née en 1973 à San Francisco (États-Unis)
Vit et travaille à Londres (Royaume-Uni)
Après des études d’humanités, Daria Martin suit une formation artistique à Los Angeles, à la fin des années 1990, à un moment où les artistes délaissent la théorie postmoderne pour se replonger dans l’histoire du modernisme. Redoutant que ce retour au formalisme néglige « toute l’arène du corps et de sa vulnérabilité », elle décide de sonder les aspects les plus impurs de la modernité : « l’humour, l’exagération, le pathos, le jeu et l’étrangeté1 ». Les costumes et ballets imaginés par Oskar Schlemmer, Sonia Delaunay ou Varvara Stepanova révèlent en effet une théâtralité et une exubérance à contre-courant de l’orthodoxie moderniste. Au tournant des années 2000, Daria Martin abandonne la peinture abstraite de ses débuts pour réaliser des films en 16 mm. Elle les imagine comme les boîtes vitrées du surréaliste américain Joseph Cornell, pleines d’assemblages d’objets énigmatiques : « un contenant vide attendant d’être rempli de tout ce que l’on peut désirer2 ».
Le travail de Daria Martin a notamment été exposé au Hammer Museum, Université de Californie à Los Angeles, au New Museum, New York, au Musée d'Art Contemporain de Chicago, et au Centre australien d'art contemporain, Melbourne. En 2019-20, Daria Martin présente sa nouvelle installation, Ce soir, le monde, co-commandée avec Barbican, Londres, au Contemporary Jewish Museum, à San Francisco.
Pour l’un de ses premiers films, In the Palace (2000), l’artiste reproduit à l’échelle d’un plateau de tournage la sculpture de Giacometti Le Palais à quatre heures du matin (1932). Les échafaudages et cages miniatures de cette maquette captivent notre regard, avide d’y voir s’incarner quelque drame humain. Martin y fait évoluer quatre performers reprenant des poses iconiques de la danse moderne, à la manière de tableaux vivants. Certains accessoires évoquent les longues baguettes de bois de La Danse des bâtons d’Oskar Schlemmer (1927), d’autres le fourreau textile créé par Martha Graham pour Lamentation (1930) : prothèses technicistes ou cocons expressionnistes, les costumes accomplissent
« ces moments d’étrange fusion entre une teneur émotionnelle exacerbée et un formalisme rigoureux3 ». Les travellings circulaires qui saisissent les corps statufiés étourdissent les perspectives habituelles. Ici, les repères permettant de distinguer sujets et objets ne sont plus si clairs. « Dans mes films […], nous dit l’artiste, les objets et les gens (principalement des femmes) sont souvent presque interchangeables. Cette égalité dégrade-t-elle les gens ou bien élève-t-elle les objets ?4 »
1 « I was also attracted to the sense of freedom that this this return to « Modernism » seemed to promise, but I worried that what many artists were doing willfully shut out the whole arena of the body and its vulnerability. So in searching for a place to begin, I turned instead for inspiration to the some of the stumbling first moments of 21st century modern culture, when the modernist project hadn’t yet worked out its parameters (if it ever really did) and was open to the contamination of humour, exaggeration, pathos, play, and awkwardness. », Daria Martin dans « Daria Martin in Conversation with Yilmaz Dziewior and Beatrix Ruf », dans Yilmaz Dziewior, Daria Martin et Beatrix Ruf, Daria Martin, cat. expo [Zürich, Kunsthalle, 22 Janvier - 20 mars 2005 ; Hambourg, Kunstverein, 29 octobre 2005 - 08 janvier 2006], Zürich : Jrp/Ringier, 2006. Texte en ligne sur le site de l’artiste : http://dariamartin.com/ - texts--5
2 « Film as medium is like Cornell box: an empty container waiting to be filled with whatever one desires. I kept on canvas, whereas there were layers of transparency in film, a medium perfect for moving with desire. », Daria Martin, ibid.
3 « In the Palace scrutinizes and releases these moments’ weird merging of hyperbolic emotional content and rigorous formalism. », Daria Martin, voir sur site de l’artiste la page dédiée à l’œuvre : http://dariamartin.com/
4 « In my films, as in the blank-faced dances of Yvonne Rainer, objets and people (mostly female) are often nearly interchangeable. Does this parity degrade people or does it elevate object ? », Daria Martin, dans Daria Martin: Sensorium Tests, cat. expo. [MK Gallery, Milton Keynes, 20 janvier - 8 avril 2012], Zurich: JRP/Ringier, 2012, p. 87.