Jean Painlevé

Biologiste de formation, cinéaste et photographe, Jean Painlevé est considéré comme un pionnier du cinéma documentaire. Dès le début des années 1920 il se sert du médium cinématographique comme outil d'observation du vivant et se passionne pour la faune marine, à laquelle il consacre de nombreux films. Proche des milieux surréalistes, d'écrivains et d'artistes comme Georges Bataille ou Sergueï Eisenstein, il renouvelle le genre du documentaire scientifique tant au point de vue technique qu'esthétique, mobilisant les moyens du cinéma pour mettre en fiction la science. De grandes expositions rétrospectives lui ont été consacrées, notamment à la IKON Gallery, Birmingham, en 2017 et au Jeu de Paume en 2022.

En tant que scientifique, Painlevé sait que le cinéma ne peut être une garantie d'objectivité : les contraintes du tournage modifient les données de l'expérience, que ce soit en laboratoire ou en situation naturelle. « Il ne faut pas s'illusionner sur la valeur de témoin impartial [du] cinéma1 ». C'est pourquoi il revendique une approche plus évocatrice, et conçoit ses films comme des compositions, dans un sens presque pictural. Son premier film destiné au grand public, La pieuvre (1928), est découpé en différentes séquences à vocation didactique : locomotion, physiologie, prédation, mort (et plus tard reproduction, dans Les amours de la pieuvre, 1967). Mais l'approche purement visuelle – longs plans qui s'attardent sur le mouvement de respiration, introduction d'éléments symboliques comme un crâne humain, gros plans sur l’œil ou la peau de l'animal, jusqu'à la microscopie – fait dériver le film du côté des significations inconscientes, des mouvement émotionnels ou de la rêverie, propres aux recherches surréalistes.

Avec l'arrivée du son, Jean Painlevé explore encore une nouvelle dimension du cinéma. La musique d'abord : Painlevé utilise le jazz ou la musique d'avant-garde pour créer un décalage ou au contraire souligner un mouvement (comme la
« danse » des Acéras) ce qui, faisant signe vers le spectacle – comédie ou tragédie – donne un effet d'anthropomorphisme. Par ailleurs, l'ajout de la voix en hors-champ participe à la vulgarisation mais aussi à la poétisation de la vie sous-marine, entre explications savantes et commentaire amusé. Painlevé s'émerveille devant la multiplicité et la plasticité des formes animales, qu'il n'hésite pas à comparer aux formes de l'art. Ainsi il voit dans Les Oursins (1929) un film d'architecture : « il y avait là toute une série de structures très belles, des colonnades extraordinaires2 ». Un regard humain qui s'identifie sans se confondre avec l'objet, un « anthropomorphisme sans anthropocentrisme3 »,
qui va jusqu'à l'allégorie politique dans Le Vampire, tourné entre 1939 et 1945, allusion directe au fascisme qui sévit alors en Europe.

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Jean Painlevé

Transition de phase dans les cristaux liquides

1978

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