NÉE EN 1949 À ISTANBUL (TURQUIE)
VIT ET TRAVAILLE À ISTANBUL (TURQUIE) ET BERLIN (ALLEMAGNE)
Artiste aux modes d’expression variés (sculpture, installation, photographie, etc.), Ayşe Erkmen envisage presque toujours son travail comme l’élaboration de points de vue, dans une acception autant physique que morale. Cette démarche se fonde sur une minutieuse enquête concernant les caractéristiques de l’espace d’exposition qui lui est proposé, le contexte d’inscription de l’œuvre à venir et les critères de sa perception.
Ainsi, les œuvres d’Ayşe Erkmen outrepassent souvent les conditions prévues pour leur exposition : elles s’autonomisent en ne se plaçant pas là où on les attend, détournant l’espace muséal de son point de vue habituel et s’y inscrivant selon leur propre point de vue – celui de l’artiste.
En 1996, Ayşe Erkmen a installé entre chaque colonne de la façade du Portikus, centre d’art contemporain de Francfort, un portique électronique, de sorte que chaque visiteur qui franchit le seuil pour venir assister aux expositions, fait invariablement retentir une sonnerie au timbre parfaitement sécuritaire. Toutefois, c’est avant tout la mise en évidence d’objets ou de situations préexistants, auxquels Erkmen prête la valeur d’œuvre d’art, qu’elle cherche à mobiliser dans son travail, l’objectif étant de trouver le médium opportun pour souligner, souvent sur un mode critique, ce focus inattendu.
En 2004 au Museum Abteiberg de Mönchengladbach, avec Bound To, l’artiste a ligoté ensemble deux cloisons mobiles avec des sangles, les laissant à environ un mètre d’écart l’une de l’autre, et enserrant dans cet intervalle le seul éclairage de la salle d’exposition.
L’installation Kuckuck réalisée au Musée des beaux-arts de Saint-Gall (Suisse) en 2003 a consisté à ramener dans les salles d’exposition contemporaines des animaux sauvages empaillés issus des collections du Musée d’histoire naturelle hébergé dans le même bâtiment. L’artiste a ainsi tendu un fil entre des espaces et des univers qui restent en principe séparés.
Ayşe Erkmen tend à privilégier l’espace public comme lieu de ses interventions, confiant au spectateur un rôle d’acteur de l’œuvre. C’est le cas de Point de vue (2003, Parc Saint-Pierre d’Amiens), œuvre pour laquelle l’artiste a installé un demi-pont de béton sur la rivière, la rendant impossible à franchir, mais créant toutefois un lieu d’observation ou de pêche à la ligne.
Pour son exposition rétrospective Weggefährten [Compagnons de route] à la Nationalgalerie/Hamburger Bahnhof de Berlin en 2008-2009, l’artiste conceptuelle a choisi d’évoquer ses œuvres antérieures au travers des idées qui les ont sous-tendues, ses « compagnons de route », et qui l’ont occupée pendant près de vingt-cinq ans. À l’origine conçues pour les lieux qui les avaient vu naître, les œuvres ont alors été transformées pour le nouvel espace d’exposition et thématisées par l’artiste dans différentes « sections » :
« le mouvement », « les lieux qui se transforment », « redéfinir l’espace », « espace menacé », « du dehors vers le dedans », « animaux », « transport »,
« politique », « temps/hospitalité », etc.
Plus récemment, avec On Water, présentée lors de Skulptur Projekte Münster 2017, l’intervention de l’artiste s’est matérialisée par une jetée subaquatique permettant aux visiteurs de passer d’une berge à l’autre du port fluvial de Münster, et créant ainsi l’illusion d’une marche sur l’eau. Au-delà d’une référence biblique, Erkmen pose la question du découpage des frontières géopolitiques – souvent matérialisées par la présence d’éléments naturels – et de leur franchissement.
En 2022, lors de la Biennale d’Istanbul, une sculpture permanente de l’artiste est installée sur la crique de la Corne d’Or.