Née en 1930 à Falenty (Pologne)
Décédée à Varsovie en 2017
Magdalena Abakanowicz est née dans une famille aristocrate russo-polonaise exilée en Pologne après la révolution russe de 1917. Elle a neuf ans lorsque la seconde guerre mondiale éclate. Suite au conflit, l’instabilité politique de la Pologne placée sous domination russe réserve une vie rude et difficile aux citoyens de son pays. Elle est contrainte, par exemple, de dissimuler ses origines aristocratiques pour se former à l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie où elle étudie de 1950 à 1954. Par la suite, elle réalise ses premières œuvres picturales sur tissus afin de pouvoir les ranger facilement dans le réduit qui lui sert d’atelier. Bientôt, elle rejette l’idée d’image pour s’intéresser à la matière ; le tissu, la toile de jute et la fibre deviennent les premiers éléments de son vocabulaire plastique.
Au cours des années 1960, elle travaille sur les deux premières séries d’œuvres monumentales qui jettent les bases de sa démarche artistique. Les Abakans, des sculptures suspendues en fibre biologique, aux dimensions impressionnantes, soulignent son intérêt pour les problématiques fondamentales de la sculpture. Les Ropes, des cordages de gros diamètres tressés, disposés dans l’espace ou utilisés pour lier deux bâtiments, préfigurent ses grandes installations en extérieur où les sculptures composent des paysages à parcourir. Rapidement, des expositions personnelles en Pologne, Norvège, Hollande, Suisse et Allemagne assurent à son travail une grande visibilité en Europe. En 1970, Magdalena Abakanowicz obtient une exposition aux États-Unis et la Whitechapel Art Gallery, à Londres, lui consacre une première monographie en 1975. Elle représente la Pologne à la Biennale de Venise de 1980 où elle montre Embryology ; des cocons monumentaux en toile de jute cousue et garnis de fibre.
Au cours des années 1970, sans abandonner l’abstraction, la figure humaine et la foule deviennent les sujets privilégiés des sculptures de Magdalena Abakanowicz. De fines couches de corps sans tête sont obtenues par compression de toile de jute figée dans du plâtre ou de la résine. Les Standing Figures ou les Backs représentent des foules d’individus sans identité, chaque sculpture façonnée par la main de l’artiste étant une variation autour d’un même thème, l’humain par le biais du corps. Elle se tourne bientôt vers le bronze pour compléter son vocabulaire plastique qui, jusque là, se composait principalement de matériaux mous et dégradables. Paradoxe qui n’en est pas un puisqu’elle choisit de dialoguer avec cette matière pour en révéler la vitalité, ce matériau qu’elle qualifie de « menteur irréductible, capable de tout imiter – que ce soit la peau ou la pierre1 ». Ces différentes dialectiques, de l’individu à la multitude, du positif au négatif, de l’organique à l’inerte, du vivant au mort, cristallisent le langage métaphorique de l’artiste et témoignent de son empressement à révéler par la sculpture les processus de transformation de l’individu en sujet contraint et contrôlé.
1 Judith Collins, Jasia Reichardt, Magdalena Abakanowicz: Bronze sculpture. Llandudno: Oriel Mostyn, 1996, p.15.