Né en 1939 à Pontchartrain (France)
Décédé à Paris en 2021
Après des études à l’École des beaux-arts de Paris à la fin des années 1950, Gérard Fromanger acquiert une première renommée grâce à des nus académiques. En 1964, fort de ce succès, il signe un contrat avec la Galerie Maeght. C’est l’époque où il se lie d’amitié avec Giacometti qui l’influence fortement dans sa pratique artistique et qui, par exemple, l’incite à quitter l’univers clos de l’atelier pour découvrir la rue. C’est aussi cette rencontre qui le conduit à abandonner une facture artistique conventionnelle. Les séries
Le Tableau en question (1966) et Paysages découpés (1967) sont issues de ce tournant et le propos de ces surprenantes œuvres en bois découpé est de s’interroger sur les tenants et les aboutissants de la peinture traditionnelle :
la superficie d’une toile, le rapport entre le peintre et son modèle, etc. Il cesse ensuite de peindre sans toutefois renoncer à la création artistique.
Mai 68 lui ouvre de nouvelles perspectives : il collabore avec Jean-Luc Godard à la réalisation d’une trentaine de films-tracts et il expérimente la sérigraphie lors de l’occupation de l’École des beaux-arts. Quelques mois plus tard, il crée l’événement en éparpillant aux quatre coins de Paris de grosses bulles en plastique rouge. Couleur de la révolution, ce rouge lui permet de s’inscrire comme homme et comme peintre dans son temps, c’est-à-dire d’être en phase avec les mutations sociales et politiques qui secouent la société occidentale.
Il devient dès lors un artiste contestataire et engagé et, sur le plan artistique, participe à la naissance du courant de la Figuration narrative (ou Nouvelle figuration). Ses protagonistes concentrent leurs intérêts sur l’image médiatisée. Leur représentation du réel est influencée par une actualité politique et sociale qui les amène à porter un regard critique sur le monde.
Les années 1970 marquent un nouveau tournant dans l’évolution du peintre. Prenant des clichés informels dans la rue ou saisissant sur le vif les passants des grands boulevards de Paris, Gérard Fromanger s’ancre plus encore dans la réalité en se faisant le témoin d’un quotidien urbain anecdotique. Il associe travail pictural et photographie en appliquant des couleurs vives sur ses photographies ou en coloriant en rouge les silhouettes anonymes de ses clichés. Boulevard des Italiens (1971) est la série la plus célèbre issue de cette démarche, elle comprend vingt-quatre tableaux qui sont autant de dénonciations de l’injustice et des inégalités sociales.
Ce travail dure une dizaine années mais au début des années 1980, Gérard Fromanger abandonne le modèle photographique en peinture et opère une mise à distance avec la Figuration narrative. Cette nouvelle évolution s’accompagne d’un déménagement en Toscane où le peintre découvre les vestiges de la civilisation étrusque et un art dont il commence à s’inspirer. À la fin de la décennie, il interprète de manière personnelle le Bicentenaire de la Révolution. La série L’atelier de la Révolution (1989) repense et revisite l’Histoire de France grâce à une galerie de portraits de personnages politiques (Marie-Antoinette, Louis XVI…). Dans cette fresque, révolution et peinture semblent intrinsèquement liées. Gérard Fromanger explique ainsi la façon dont il considère leurs rapports : « Toute ma peinture depuis le début des années soixante est traversée par une vieille question : faut-il révolutionner le monde ou révolutionner la peinture ? (…) La volonté de représenter le monde et, du même mouvement, se révolter contre lui, a été de tout temps un moteur de la grande peinture1 ». D’autres événements historiques suscitent son intérêt : la série De toutes les couleurs, peinture d’histoire (1991-92) retrace la fin du communisme, la guerre du Golfe et la purification ethnique en Bosnie.
À la fin des années 1990, Gérard Fromanger s’attache surtout à travailler sur son histoire personnelle en rendant hommage à des amis disparus comme Gilles Deleuze ou Félix Guattari grâce à des séries en forme de rhizome - forme inspirée de leur philosophie - qui lui permettent de peindre ce qu’il appelle « l’énergie du monde ».
Durant quatre décennies, Gérard Fromanger a affirmé sa volonté d’une prise directe sur le monde. La couleur rouge est à l’image de sa peinture, une peinture de l’énergie et du désir, toujours prête à s’indigner, à dénoncer des injustices.
Il porte également un regard introspectif et rétrospectif sur sa propre peinture. Ce « cogito pictural » (Félix Guattari, in : Fromanger : la nuit, le jour, 1984) entretient avec la peinture une relation problématique entre l’histoire de l’art et ses procédés, entre le réel et l’image.
Une exposition rétrospective au Centre Pompidou a été consacrée à Gérard Fromanger en 2016.
En 2020, alors qu’il est déjà octogénaire, Gérard Fromanger se voit confier l’ornementation du plafond du Théâtre des Bouffes du Nord à Paris. Il réalise une vaste fresque intitulée Peinture-Monde, sens dessus dessous.
1 Gérard Fromanger, « Peindre la révolution ou révolutionner la peinture ? », Opus international, n° 114, juin-août 1989, p. 50.