Né en 1940 à Turin (Italie) – décédé en 1994 à Rome (italie)
Alighiero Boetti est considéré comme l'un des artistes principaux de l'avant-garde italienne née au milieu des années 1960. Ceux-ci, membres notamment de l'Arte Povera1, ont revendiqué une attitude socialement engagée et ouvertement critique face à la société de consommation. Les œuvres de Boetti ont ainsi participé à un renouvellement du langage artistique, privilégiant le processus de création à l'objet fini et le sens conceptuel de l'œuvre d'art à sa dimension narrative ou esthétique. Son travail est encore très présent aujourd'hui au sein des institutions internationales et a fait l'objet entre 2011 et 2012 d'une grande rétrospective itinérante présentée au Museo Reina Sofia de Madrid, à la Tate Modern de Londres et au MOMA de New York.
Alighiero Boetti réalise des « objets » composés de matériaux communs comme le bois, le carton ou l'aluminium et s'intéresse au hasard, à la mesure, à la dualité et la multiplicité. Il aborde notamment ces notions en 1968 au travers de Gemelli [Jumeaux], photomontage qui le montre donnant la main à son double, et de l’affiche Shaman Showman [Homme de spectacle Chaman] où son effigie est dédoublée et inversée. C’est aussi à cette époque qu’il décide de séparer son nom et son prénom par la conjonction de coordination e (et en italien). La question du double et de la dualité en général conduit alors à une remise en cause des principes mêmes d’identité et d’individualité de l’artiste, qui s’expriment habituellement à travers un effet de style et une signature identifiable.
En 1969, Alighiero e Boetti pratique le Mail Art avec Viaggi Postali [Voyage postal], des œuvres postales qui multiplient les compositions possibles d’enveloppes timbrées et affranchies. Envoyées à ses proches ou à des adresses imaginaires, elles explorent les thèmes du déplacement temporel et spatial, à travers les effets croisés de la combinatoire et de l’aléatoire.
Considérant que la fabrication de ses œuvres pourrait être déléguée dans le cadre de collaborations, l’artiste met en œuvre un mode de « sous-traitance » artistique lors d'un voyage en Afghanistan en 1971 au cours duquel il découvre les traditions des tisserands de ce pays. Il confie à des femmes afghanes la confection de tapis-tableaux, comme la série des Mappa [Cartes]. Cette démarche traduit l’engagement politique de l’artiste et sa conception de l’œuvre, fondée sur l’effacement de sa subjectivité au profit d’une collaboration extérieure. « Pour moi, le travail de la Mappa brodée est l'idéal de la beauté. Pour ce travail, je n'ai rien fait, rien choisi, en ce sens que : Le monde est fait comme il est, non pas comme je l'ai conçu (…) ; lorsque l'idée de base, le concept, émerge, tout le reste ne nécessite pas de choix2 ».
1 Terme utilisé pour la première fois en septembre 1967 par Germano Celant pour intituler une exposition présentée à Gênes. La notion de « pauvreté » est plus à entendre comme un détachement volontaire des acquis de la culture que comme le choix exclusif de matériaux naturels ou de rebut.
2 Cité dans Mappa de Luca Cerizza, Afterall Books, 2008.