Françoise Vergier
Chose centrale
1992
Bois de tilleul peint à l'huile et verre
39 x 26 x 18 cm
En 1991, lors de l’exposition Je suis en pleines formes à la Galerie Claudine Papillon, Françoise Vergier effectue de nombreuses représentations du corps féminin. Elle modèle des formes rondes d’après les mots de Rimbaud dans sa Lettre dite « du voyant » (lettre de Rimbaud à Paul Demeny - 15 mai 1871) où il annonçait : « (…) Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme, — jusqu’ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons ». L’année suivante, elle a l’expérience de la maternité, et souscrit de manière plus prégnante encore à la pensée d’Antoinette Fouque, militante féministe (1936-2014), pour qui la « gestation est une blessure narcissique pour l’homme ». Chose centrale (1992) présente un ventre en verre opaque ovale encadré par deux mains d’une même personne. Ce « miroir » évoque à la fois les aspects narcissiques de la naissance d’un enfant et l’histoire de l’art avec les Époux Arnolfini de Jan van Eyck (1434), dont la femme présente les signes de la fertilité et dont le miroir convexe (aussi appelé sorcière) central de fond de scène offre une vision déformée du dos des époux et du hors-champ. La peinture comme chose mentale.
Chose centrale annonce également la série des torses (1999-2003), que l’artiste présente ainsi : « Les torses sont une interprétation du Torse du Belvédère, emblème de la sculpture. Ici, ce sont des bustes de la femme, de la mère, de la jeune fille. Le corps maternel chargé de prolonger l’espèce humaine. La spécificité du féminin dans sa différence sexuelle. La « génitalité » pensée avec et par Antoinette Fouque : c’est-à-dire « la chair qui pense » : l’être-deux de l’expérience de la maternité ».