Art Keller (collection Yoon Ja et Paul Devautour)
La Chose
1992
Série comprenant :
Production idéologique, Acrylique sur toile, 65 x 54 cm
Théorie malheureuse, Acrylique sur toile, 65 x 54 cm
Commodité pratique, Acrylique sur toile, 65 x 54 cm
Champ social, Acrylique sur toile, 65 x 100 cm
La série La Chose est fondatrice dans l’œuvre d’Art Keller puisque les tableaux qui la constituent sont les premiers qu’il a réalisés en quadrichromie.
Le personnage de La Chose est récurrent dans les Comics américains. Membre des Fantastic Four, ce super héros est doté de pouvoirs surnaturels, notamment une force surhumaine lui permettant de soulever plusieurs dizaines de tonnes de matière, de résister à des températures extrêmes ou encore de piloter facilement tous les engins de vol. Sa peau est recouverte d’une carapace orange depuis son exposition à des rayons cosmiques dont ses dons sont aussi une des conséquences.
Cette série met en question, à travers la bande dessinée, le statut de l’art ainsi que son discours, tout comme l’ensemble des productions d’Art Keller. Chaque vignette est accompagnée d’un titre lui-même inspiré par la citation, issue de magazines d’art, retranscrite dans les bulles.
Au sein de cet ensemble, le corpus réunissant les travaux d’Art Keller traduit une certaine neutralisation des pratiques avant-gardistes. Champ social, par exemple, réutilise le principe du détournement des éléments de la culture dominante à des fins de propagande, encouragé par Guy Debord dans les années 1950. Le tableau reprend la vignette d’un Comics Marvel (le combat de la Chose contre un super-méchant) dont les dialogues ont été modifiés selon l’énonciation situationniste. Une énonciation qui semble s’être vidée elle-même de sa substance subversive, comme si le potentiel percutant du situationnisme, à son tour, s’était fait engloutir par le Spectacle qu’il dénonce. « Une avant-garde de scandales dissipés », pour reprendre l’expression de Robert Smithson, tel est le constat désabusé qui traverse l’œuvre d’Art Keller. Dès lors, que reste-t-il d’autre qu’une « pratique qui se pose la question de sa propre stratégie » ? Pour sa part, la stratégie choisie par Yoon Ja Choi & Paul Devautour est un jeu qui brouille le rôle des « opérateurs » artistiques (collectionneurs, artistes, critiques, commissaires et spectateurs) afin d’intervenir directement sur le contexte social qui gouverne le champ esthétique.