Linda Sanchez
11752 mètres et des poussières...
2014
Vidéo couleur sonore
Durée : 71'
Tirage 1/3 + 2 EA
11752 mètres et des poussières... (2014) est une vidéo qui suit, pendant soixante et onze minutes, le trajet erratique d'une goutte d'eau, filmée en gros plan sur une surface réfléchissante. La bande-son et le reflet du ciel indiquent que la prise de vue a été faite en extérieur – plus précisément sur le toit d'un château d'eau. Le dispositif qui permet de faire bouger la goutte étant invisible, celle-ci semble animée d'une vie propre. On la voit absorber ses congénères les unes après les autres, s'arrêter, repartir de plus belle. La caméra peine parfois à suivre cet être capricieux, aux mouvements imprévisibles. L'artiste explique d'ailleurs que les conditions de tournage furent analogues à celles d'un documentaire animalier.
Au delà de son dispositif d'observation quasiment scientifique (on pense notamment à l'ouvrage de 1923 de A. M. Worthington, The Splash of a Drop),
la vidéo soulève un problème d'ordre philosophique : si l'on semble suivre une goutte, au point de presque lui conférer une personnalité, du moins une identité, comment affirmer qu'il s'agit bien de la même goutte entre le début et la fin de la vidéo ? Cette question rappelle le mythe du bateau de Thésée, devenu un exercice de pensée : ce bateau, sur lequel Thésée revient victorieux de son combat contre le Minotaure, est conservé par les athéniens, qui, au fur et à mesure de sa détérioration, en changent les parties les unes après les autres. À terme, le bateau n'a pas changé (de lieu ou d'apparence) mais plus aucune de ses pièces n'est d'origine.