Marina Faust
La Clavicule
1985
3/9
Tirage sur papier baryté au gélatino-argentique
39,7 x 49,5 cm
La Clavicule fait partie des premières photographies réalisées par Marina Faust prenant son propre corps pour sujet. Après plusieurs années de voyages et de commandes, l’artiste engage une nouvelle période de production au sein de son atelier parisien. Elle expérimente le médium photographique en conférant à son propre corps une dimension sculpturale - proche d’Hannah Villiger. Ses réflexions héritent des mises en scène photographiques de Valie Export ou Cindy Sherman qui questionnent la dimension abstraite du corps féminin cristallisé en signe. Cette photographie argentique adopte un cadrage serré sur la clavicule gauche de l’artiste encadrée par le col roulé de son pull et ses cheveux coupés court. L’ensemble se détache sur un arrière-plan sombre. Le noir et blanc, le contraste et le grain du tirage accentuent la géométrie de l’ossature et le trouble de sa texture. L’altération de la perception rend visible la sensualité d’une parcelle de peau souvent déconsidérée et que « l’on sent se hérisser au contact des poils du pull-over1 ». Cette qualité tactile de la matière semble transformer le vivant en marbre poli. En établissant des « relations à la fois intimes et impersonnelles » avec le spectateur, l’artiste rejoint la vision phénoménologique élaborée par Merleau-Ponty pour qui « le monde est fait de l’étoffe même du corps2 ».
1 Hervé Guibert, « Marina Faust chez Agathe Gaillard », Le Monde, 13 février 1982, p. 18.
2 Maurice Merleau-Ponty, L’œil et l’esprit, Paris, Gallimard, 1964, p. 21.