Sarkis
Le Forgeron dans le rôle de Kriegsschatz
1983
de la série Kriegsschatz [Trésor de guerre]
Installation
Bois brut, figurine en fonte d'aluminium et pâte à modeler, Pyrex, grillage, mousse, bandes magnétiques, dispositif électrique, 2 transformateurs
140 x 200 x 100 cm
Cette installation a été conçue pour l'exposition collective À Pierre et Marie, une exposition en travaux, qui a eu lieu en 1983 dans une église désaffectée située rue d'Ulm à Paris. L’œuvre assemble, comme un rébus, plusieurs éléments apparemment disparates : sur une caisse à claire-voie, semblable à celles utilisées pour le transport d’œuvres, trône une petite sculpture de forgeron qui porte un masque de pâte à modeler représentant le visage de l'artiste et qui tient dans sa main la lettre K. La caisse est illuminée de l'intérieur par un néon formant le mot Kriegsschatz [Trésor de guerre], qui est aussi inscrit sur la caisse ; au sol sont amassées des bandes magnétiques d'enregistrements de grands opéras allemands.
Le concept de Kriegsschatz est central dans la carrière de Sarkis. En 1976, alors qu'il visite un musée ethnographique à Berlin, l'artiste est frappé par le fait que tous les objets du musée soient présentés de manière homogène et systématique, sans tenir compte de leurs différentes provenances ou de leurs symboliques ; il y voit le prolongement d'une histoire coloniale faite de dépossessions et de pillages. Cette notion de Kriegsschatz peut être étendue aux œuvres d'art contemporain, comme les installations de Beuys, dénaturées par leur présentation muséale. Pour garder leur vitalité, les œuvres selon Sarkis doivent toujours être réinterprétées, à la manière de partitions musicales. C'est notamment le rôle du forgeron, dont le visage est appelé à être remodelé en fonction des changements sur le visage de l'artiste. Sarkis formule ainsi une critique radicale de l'institution, en son sein même : les œuvres, ces « prises de guerres », nous échappent toujours en se modifiant et en se déplaçant.