Berdaguer & Péjus
Timezone
2010
Sound color video, DVD
Video loop
Timezone (2010) met en scène un homme marchant dans du sable gris. Filmée de haut, la spirale de matière se scinde au fur et à mesure de la déambulation en deux demi-cercles : l’un noir, l’autre blanc.
Ici, Berdaguer & Péjus mettent en scène la métaphore employée par l’artiste américain Robert Smithson (1938-1973) pour expliquer la notion d’« entropie ».
Le théoricien du Land Art explicite en 19671 le caractère irréversible du temps par l’exemple d’un enfant courant dans un bac rempli de sable noir d’un côté et blanc de l’autre et dont l’action brasse la matière jusqu’à la rendre grise. Même si ce dernier tentait ensuite de changer le sens de sa course, le mélange des grains serait irrémédiable. L’artiste évoque alors le recours à la vidéo qui pourrait artificiellement remonter le temps, sans pour autant éviter que le film finisse par s’effriter ou se perdre.
L’œuvre de Berdaguer & Péjus met en pratique, en l’inversant, le protocole évoqué par Robert Smithson. Les artistes mettent ainsi à l’épreuve le clivage entre le projet et la réalité et modifient le sens initial du mouvement. Timezone fait apparaître à l’écran une marche « réparatrice » vers l’ordre originel en restituant un déplacement qui s’est fait à reculons. Le personnage qui tourne comme une aiguille dans le cercle de sable devient une horloge humaine.
Par les artifices de la technologie, les deux artistes tentent un retournement du temps en proposant une néguentropie2 qui malgré tout finit par s’annuler. La séparation progressive du noir et du blanc entraîne la disparition d’un pan entier de l’image vidéo. Le film lui-même se consume.
1 « Une visite aux monuments de Passaic », in Robert Smithson, Le Paysage entropique, 1960-1973, éd. musée de Marseille / RMN, 1994, p. 182.
2 La néguentropie ou entropie négative désigne l’évolution d’un système qui présente un degré croissant d’organisation. Utilisée en thermodynamique, cette notion peut s’appliquer non seulement à des systèmes physiques mais aussi à des systèmes sociaux et humains. Elle a été définie par le physicien Léon Brillouin en 1959 dans son ouvrage Science et théorie de l’information.