Tout est faux et en carton pâte dans les décors des histoires filmées de Colomer. Renoncer à y croire est pourtant exclu : pas plus pour l'artiste qui s'est "lancé dans la fiction" et le simulacre, que pour le spectateur pour qui la question de savoir s'il doit croire au faux a perdu toute pertinence. Cette croyance servira à construire un réel rechargé de symbolique et d'imaginaire, et c'est ce qui lui donne tout son sens.
Le travail de Colomer prend ainsi place au carrefour du théâtre et de la sculpture - il qualifie lui-même ses films vidéos de "sculptures dilatées dans le temps". Mais il se situe dans une sorte d'ailleurs du cinéma dans sa forme classique en ce que ses décors ne reconstituent volontairement rien de vraisemblable. Au-delà de ce que peut proposer le théâtre, les œuvres de Colomer ont la capacité de traiter et de faire percevoir l'espace - un problème de sculpture et d'architecture. Cela prend forme à la fois dans l' "installation"des projections - un parcours "en rouge" (théâtral) dans les espaces de circulation et de mise en condition du spectateur - et dans ce qu'elles donnent a penser, dans ce qu'elles offrent d'espace mental à développer. Pour Colomer, il n'est pas de réel immuable : la perception du temps, de l'espace et de l'objet est une construction subjective, plus ou moins personnelle.
Série de photographies montées en film et réunies en installation, Anarchitekton incarne bien cette conception de Colomer. En quittant l'espasce fermé, symbolique, de la scène, pour se confronter au théâtre des opérations urbaines. Il complexifie sa relation au temps et passe de la circularité à des séries d'allées et venues entre passé, présent et futur, rejouées dans le désordre.
Anarchitekton opère selon un processus inverse des Prototipos, où des objets étaient reconstruits à partir d'une image ; ici, les architectures deviennent des maquettes pour un spectacle de marionnettes à l'échelle de la ville, avant de devenir finalement des images.