L'IAC invite les artistes Galeries Nomades2020 à publier, ici, tout document ou commentaire de leur choix – photo, croquis, texte, notes, plan, mot, image, liens... – des « carnets nomades » qui restituent à un moment donné l'état de leur projet, de leur recherche, ou tout simplement de leur présent d'artiste. Cet espace pourra être actualisé au long cours, lors des différents temps précédant les expositions Galeries Nomades, à la manière d’un fil d’actualité Instagram.
Anna Holveck
NÉE EN 1993, VIT ET TRAVAILLE À PARIS
"L’espace et la vibration sonore dépendent l’un de l’autre.
Lui, la reçoit, esquisse son contour et impose le rythme de ses rebonds. Elle, se répand, se jette contre ses parois pour en épouser la forme. L’Écho est une relation.
Écho est une nymphe. Elle fut condamnée par Junon en ces termes: « Tu auras toujours le dernier mot, mais jamais tu ne parleras la première ». Écho, pour son malheur, est amoureuse de Narcisse. En vain, elle tente de lui exprimer son amour, répétant inlassablement chacun de ses derniers mots. Narcisse ne peut la comprendre. Désespérée par cet échec insoluble, elle pleure, se dessèche et se transforme en rocher. Elle se fait désormais l’écho de la montagne.
Mes pièces s’adressent directement à l’espace et par réflexion aux corps qui s’y trouvent. L’Écho est “par là”. Difficile d’en identifier précisément la source. Le corps du spectateur cherche, négocie avec l’espace. Il s’ajuste, adapte sa position et se réoriente pour pouvoir capter ce qui circule autour de lui.
J’aime à créer des décalages, des impertinences et des incohérences qui se jouent d’un contexte et en épaississent les traits. L’espace influence la morphologie des vibrations sonores. Le contexte spatial, par ce qu’il sous-entend, invite à une certaine lecture du son.
Le burlesque s’invite. Le langage fourche, dérape et tombe platement sur le sol. Les propriétés de l’espace prennent le pas sur le corps : dans Playtime, le bruit des semelles de monsieur Hulot, sur le marbre du grand magasin, masque ce qu’il tente de dire.
Le langage s’échappe. La nymphe Écho ne parvient pas à donner du sens aux syllabes qu’elle répète. Peu à peu, elle s’oublie à elle-même, s’abandonne et se métamorphose. Elle se met au service de l’espace qui l’environne.
Le corps, dans mon travail, est incarné par une fonction. Il est un outil. Dans le paysage, il est une présence à peine plus remarquable qu’une autre. Ce corps tente de faire résonner ce paysage - comme un écho - d’en évoquer les contours, d’en faire apparaître l’histoire ou les contradictions, telle une extension, à la fois au dedans et au dehors."
(Extrait du portfolio d'Anna Holveck)
Écouter l'extrait sonore monté à partir de sons enregistrés dans la cascade de la Durolle (à Thiers près du Creux de l'Enfer et de l'Usine Du May), sur le site de l'artiste.
Site internet : cargocollective.com/annaholveck
Instagram : @annaholveck
Résidence Galeries Nomades à Moly-Sabata du 7 septembre au 9 octobre 2020.