Né en 1950 à Bayeux (France)
décédé en 2017 à Dunkerque (France)
Jean-Luc Poivret a d'abord travaillé comme maquettiste et éditeur, après avoir étudié à l'école Estienne puis à l'ENS Cachan. Il a également enseigné aux Beaux-arts de Dunkerque, de 1990 jusqu'à sa mort en 2017. Mais c'est par la peinture et le dessin, qu'il pratique depuis toujours, que Jean-Luc Poivret se fait connaître au début des années 80. Dès le départ, son travail est animé par la volonté de s’échapper de la toile et du châssis. Ses premières œuvres s'inscrivent dans des problématiques proches – tant formellement que conceptuellement – du groupe Supports/Surfaces ou de l'Arte Povera : toile de très grand format non tendue, fabrication de petits objets rituels, comme ces croix en argile qu’il dépose dans des lieux de passage (gares, lieux touristiques), avec l'idée de « relier les gens, les peuples... ».
En 1980, il tombe sur la photographie en Une d’un journal commémorant le vol Paris-New York de 1930 ; l’image le frappe comme une évidence, et il commence alors à représenter des avions, dont la forme fait écho aux grandes croix colorées qu’il peint à l’époque. Pour cet amateur de littérature américaine, il s’agit ainsi de « poétiser la peinture ». De la même manière, le problème du support se trouve résolu lorsque, travaillant dans un hangar, il aperçoit de vieilles pièces d’avion entoilées : l’idée lui vient alors de peindre directement sur l’aluminium du fuselage, donnant lieu à ce qui deviendra caractéristique de son œuvre.
La réalisation de décors pour des spectacles lui permet de déplacer ses problématiques picturales dans le champ vivant, dynamique, de la danse : en 1983, il crée la scénographie d’un ballet (Charge alaire) de Susan Buirge à l’aérodrome d’Aix-en-Provence. Sur le tarmac évoluent six danseurs et deux bulldozers, accompagnés d’un ballet aérien de trois avions, eux-mêmes habillés des peintures de l’artiste.
L’air semble bien être l’élément de Jean-Luc Poivret, contrastant avec la lourdeur des éléments mécaniques, du métal du fuselage, et des peintures industrielles qu’il emploie. À la précision industrielle des supports s’oppose un traitement rapide de la peinture, brossé, presque effacé, qui confère un aspect flou à la forme peinte.
Si l’aéronautique passionne Jean-Luc Poivret, c’est aussi par le biais de son vocabulaire spécifique : les mots ont donc aussi une place très importante dans son œuvre. « Ce sont les mots qui me parlent et qui me font peindre » dit-il, « je ne peins pas une forme, je peins un mot1 ». Il y a en effet tout un jeu de langage et de figures, de la redondance à la métonymie : une aile peinte sur une aile, un élément de moteur pour un avion. Dans ce jeu, le titre est porteur : face à une forme brouillée, c’est à partir de lui que peut décoller l’imaginaire : Machine pour se déplacer dans le temps sans être vu (1989), Siège éjectable pour métaphysicien et astrophysicien (1989), Masse en attente (1987-90)...
Il y a ainsi une double idée de lien dans l’œuvre de Jean-Luc Poivret : lien entre la terre et le ciel (exprimé par l'artiste par la doctrine du pneuma), lien entre les mots, les choses et leurs représentations.
1 Entretien avec Jean-Luc Poivret, « On peint sur de la peinture », 10 octobre 2010 (https://www.youtube.com/watch?v=_435n7HciaU).