Né en 1880 à Aschaffenburg (Bavière, Allemagne). Décédé en 1938 à Frauenkirch (Suisse)
L’œuvre picturale, graphique et sculptée de Ernst Ludwig Kirchner a fait l’objet d’une grande rétrospective au Städelmuseum à Francfort en 2010. Outre ce musée, qui fut le premier en 1919 à acquérir une de ses toiles, les œuvres de Kirchner sont dans de prestigieuses collections muséales dans le monde (Neue Nationalgalerie, Berlin ; Musée Solomon R. Guggenheim, New York ; Moderna Museet, Stockholm ; Pinacothèque de Munich, etc.).
Artiste majeur du courant expressionniste allemand, Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938) est également la figure centrale du groupe Die Brücke qu'il fonde avec Fritz Bleyl, Erich Heckel et Karl Schmidt-Rottluff en 1905. Souhaitant rompre avec le style académique, le groupe d'avant-garde se caractérise également par le désir de « faire le pont » entre des formes d'art passées (Dürer, Grünewald…) ou récemment reconsidérées (art primitif, oriental, indien…) et une pratique artistique résolument contemporaine. Ainsi, en plus de la peinture ou de la sculpture, Kirchner reprend notamment à son compte des techniques traditionnelles de gravure sur bois1 et s'inspire du pouvoir émotionnel de l'art du Moyen Âge ou du cadrage de l'art japonais, pour proposer un langage formel novateur d'un style d'une rare tension. Parallèlement, il développe une pratique photographique autour de différentes thématiques (autoportrait, portrait, nu, vue d'atelier, d'exposition, scène de la vie campagnarde…).
De Dresde à Munich, où il étudie l'architecture de 1901 à 1905, en passant par Berlin (1911-1915) ou les grands espaces de Davos (1917-1926), les villes et les lieux de nature que l'artiste côtoie portent les « motifs » majeurs de son œuvre. Le paysage, l'effervescence des rues berlinoises (qui donnera notamment lieu aux « Großstadtbilder », [toiles de la grande ville]), les scènes de montagne sont quelques-uns des grands thèmes qui nourrissent sa production. Dans les années 1920, Kirchner jouit d'une grande notoriété dont témoignent plusieurs expositions en Allemagne et en Suisse. C'est également durant cette période qu'il réalise la commande d'une peinture murale pour le Folwang Museum d'Essen. En 1928, il participe à la Biennale de Venise.
Plus tard, le style expressionniste de ses œuvres le désignera aux yeux du régime nazi comme un représentant de « l'art dégénéré2 » et conduira à ce que plus de 600 de ses œuvres soient retirées des musées allemands, puis vendues ou détruites. Dépressif, profondément blessé par cette destitution, par le cours de l'Histoire et par l'imminence de la guerre, il se suicide en juin 1938. Sur les 140 sculptures de Kirchner qui ont pu être identifiées, il n'en reste aujourd'hui que quelque 80. Détruites par les nazis ou par l'artiste lui-même, un nombre important d'entre elles persiste à travers leur captation photographique.
1 Le programme de Die Brücke lui-même fut gravé sur un placard en bois. Il accompagnait l'exposition du groupe à l'usine Seifert de Dresde en 1906. On pouvait y lire :
« Animés de la foi dans le progrès et dans une nouvelle génération de créateurs et d'amateurs d'art, nous appelons toute la jeunesse à se rassembler. Étant la jeunesse qui porte en elle le futur, nous voulons conquérir la liberté d'action et de vie face aux vieilles forces solidement établies. Tous ceux qui expriment directement et sincèrement leur impulsion créatrice ont leur place parmi nous ».
2 32 œuvres de Kirchner faisaient partie de l'exposition Entartete Kunst [l'art dégénéré] de Munich.