Né en 1960 à Bochum (République Fédérale d'Allemagne)
Vit et travaille à Paris (France)
Veit Stratmann étudie les conditions d'appréhension d'un espace, au croisement de l'architecture, de la politique et de la subjectivité. Ses sculptures tiennent le plus souvent du geste architectural, dans une veine minimaliste et post-minimaliste représentée par des artistes comme Carl Andre, Michael Asher, Dan Graham ou Hans Haacke. Son travail a été présenté dans des centres d'art à l'étranger comme en France (à l'Institut d’art contemporain de Villeurbanne en 1997 ; au Grand Café, Centre d’art contemporain de Saint-Nazaire, en 2003 ; au MAC/VAL en 2009 ; au MRAC de Sérignan en 2012, entre autres), ainsi que dans des galeries et des lieux publics ou privés.
En 2019, Veit Stratmann est invité à exposer au CDLA (Centre des livres d’artistes) à Saint-Yrieix-la-Perche dans le Limousin.
Au travers de ses interventions in situ (ou, plus exactement, site-specific), l'artiste vise à mettre en valeur les limites de l'espace construit, à faire saillir les éléments qui excèdent les seules problématiques architecturales. Par l'introduction d'une simple perturbation dans un endroit donné – galerie, musée, appartement ou palais – il cherche à en révéler l'ordre implicite (au sens que Foucault donne à l'« ordre du discours »). Qu'il s'agisse d'annuler l'espace d'exposition en tant qu'espace privé et marchand (La Façade de la galerie, 1998, à la Galerie Tator, Lyon) ou public (Vor Sox, 2010), ou à l'inverse, de faire littéralement émerger un espace d'exposition dans un lieu privé, simplement en surélevant le sol (Pour l'appartement, 1998). Ces différentes stratégies ont pour but de parasiter l'espace de monstration, qui devient alors lieu d'expérimentation et de réflexion.
Attentif aux détails d'un espace et à son organisation propre, ses fonctions et sa dimension symbolique, Stratmann met en place des dispositifs qui permettent de rendre cet « inaperçu » sensible au visiteur et amènent celui-ci à se questionner sur le statut du lieu qui l'accueille, sur son propre positionnement vis-à-vis de ce lieu et vis-à-vis des autres visiteurs. Se positionner, prendre position : cette nécessité de l'artiste doit aussi être celle du spectateur. Pour cela Stratmann utilise différents moyens, souvent de nature contraignante : perturber la circulation des corps en érigeant un mur dans la diagonale d'une pièce jusqu'à l'espace extérieur (Le Mur en 2003, au Grand Café de St-Nazaire) ; soumettre le visiteur à un choix, qui peut être simple : entrer, ne pas entrer ? (Les Devantures, 2000, où il s'agissait d'ouvrir successivement des portes vitrées débouchant sur des pièces vides) ou complexe : ainsi les Sols colorés proposent une multiplicité de parcours et de points de vue singuliers. Le visiteur, en jouant à ce jeu d'enfant qui consiste à ne pas marcher sur les lignes, mesure à la fois la contrainte exercée par un dispositif apparemment inoffensif et sa liberté de décision (en créant sa propre série de couleurs). Pour Veit Stratmann, « cette décision assumée représente l'unité de base, infime, de l'acte politique. […] La sculpture est toujours un objet que l'on met sur le chemin de quelqu'un d'autre1 ».
1 Cité par Pierre Tillet dans son article « La méthode Stratmann. Sculpture et architecture : limites, agencements, individuation » in Les Cahiers du Mnam, été 2015.