Marc Desgrandchamps
Parce que
2015
Original lithography on Vélin d’Arches 250 g en 2 passages couleur, framed
65 x 50 cm
13/13 (+ 5 AP)
Lithographer : Michaël Woolworth Publications, Paris (France), 2015
Réalisée au crayon sur pierre à l’atelier de Michael Woolworth à Paris, la lithographie Parce que de Marc Desgrandchamps découle de la peinture éponyme de l’artiste, grand polyptyque présenté dans l’exposition Rideaux/blinds à l’IAC1.
De la représentation à la fois panoramique et séquentielle de la peinture, qui déroule différentes scènes parsemées de références, Marc Desgrandchamps a extrait un fragment, comme une coupe cinématographique opérée dans le centre du tableau. Ainsi, la lithographie se recentre sur le motif du cheval, encadré par une structure s’apparentant à une porte-fenêtre et ponctué par divers éléments plus ou moins visibles : gravats au premier plan, paysage de colline en arrière-plan et apparition fantomatique de la figure suprématiste dans le carré de ciel. Cette composition graphique rigoureuse, au crayon noir, est partiellement recouverte par un voilage rouge vertical qui vient souligner ou bien opacifier le dessin.
Lithographie, passage en deux couleurs, à partir du panneau central d’un polyptyque pictural. Rien que de très simple, ordonné, à première vue, la complexité de la peinture et sa multiplicité de lectures possibles sembleraient se condenser et se simplifier par l’opération du « détail » et de la réduction tonale. Pourtant, l’entrée dans l’image, la reconnaissance des motifs et le climat sombre de l’ensemble, ouvrent peu à peu à un questionnement et à une circulation du regard, activés par la densité de la composition et l’articulation énigmatique des éléments. « Parce que » : l’artiste nomme ironiquement son œuvre par cette assertion, une réponse elliptique à un ensemble de causalités, à différentes strates de significations.
Récurrent dans le travail de Marc Desgrandchamps, et plus généralement dans l’histoire de l’art, le motif du cheval est une figure plastique qui se prête à la monumentalité. Ici, c’est aussi la seule figure du tableau-source qui regarde le spectateur. Délimité par la présence imposante de la porte-fenêtre, il semble cerné par une structure de cadrage : photographique (les bords noirs des anciennes planches-contacts), cinématographique (les plans de certains westerns mythiques) ou encore répressif (un lieu d’enfermement).
À ses pieds, les fragments issus d’une décharge font signe, jusqu’à dessiner des figures de ruine.
Du coin de ciel vu à travers la fenêtre, transpire la figure de Malevitch, un tableau de la fin des années 1920, période charnière pour l’artiste suprématiste, à l’aube du grand désenchantement de la révolution russe et de l’oppression stalinienne. Les fragments de paysage (colline, feuillage en débord) ne font pas le poids, face à la menace qui plane.
Le voile d’un rouge profond, sourd, qui ruisselle sur les figures, inscrit une surface picturale qui vient asseoir le dessin autant qu’elle le trouble. Contrebalancée par des incertitudes d’espaces et de plans, la construction plastique se teinte alors d’une résonance grave, sinon politique, du moins fortement symbolique, nous confrontant à des seuils à (ne pas) franchir ou déjà franchis…
1 Rideaux/blinds, du 6 février au 3 mai 2015 à l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, commissaire Marie de Brugerolle.