Prêt de l'œuvre de la Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes : Anthony McCall, Doubling Back, 2003
Lors de l’une de mes missions qui consistait à organiser les célébrations du Siècle des Lumières en Lorraine à l’initiative de la ville de Nancy, je discute avec le président de mon conseil scientifique, Pierre Rosenberg, de l’Académie française, président-directeur du musée du Louvre (de 1994 à 2001). Il est sans aucun doute l’un des plus grands spécialistes du dessin et de la peinture française et italienne des XVIIe et XVIIIe siècles. Lors d’un long trajet en voiture avec ce connaisseur-amoureux de la peinture mais peu enclin à s’intéresser à l’art en train de se faire, j’aborde, avec un peu d’appréhension, mon intérêt prépondérant pour les transversalités disciplinaires de plus en plus actives dans l’art contemporain et ma passion insatiable pour l’architecture, en particulier lorsque les artistes contemporains font coïncider leurs recherches avec cette discipline et réciproquement.
À mon grand étonnement, ce défenseur convaincu des œuvres picturales patrimoniales me répond sans hésitation: «Mais madame, l’architecture c’est le Grand art aujourd’hui, bien sûr » !
Alors que se passe t-il lorsque l’on accepte de répondre à une commande à géométrie variable comme celle qui m’a été proposée par la galerie GVCC ? La commande est plurielle: je dois en e et appuyer le développement international voulu par cette vitrine historique et importante aujourd’hui de l’art contemporain au Maroc. On me demande d’exposer de jeunes artistes attentifs à travailler ultérieurement sur la scène marocaine que je vais placer dans la proximité d’artistes plus anciens ou plus expérimentés. On me suggère également de choisir des œuvres rendant compte de perceptions des bouleversements actuels dans le monde. Et en n, ce qui n’est pas la moindre des commandes: il me faut mettre en perspective une série de pièces de l’artiste Philippe Cazal, déjà présent au Maroc depuis quelques années, qui se trouvaient en dépôt dans la galerie, à savoir Les Compacités.
Dans un pays, le Maroc, où la peinture est un art récent et toujours perçu comme le «Grand art», surtout par les collectionneurs, c’est une gageure; car ce qui se passe sur la scène internationale aujourd’hui n’a plus rien à voir avec la peinture en tant qu’entité artistique souveraine et exclusive.
Je suis donc partie, sans hésiter, des dites Compacités qui ne sont ni peintures, ni sculptures, ni concepts énoncés, ni textes, ni mots mais tout cela à la fois… À la rigueur, peut-être, pourrait-on parler de bas-reliefs « compactés » contemporains puisqu’ils recouvrent visuellement des mots choisis par l’artiste dont chaque lettre, emboitée dans la précédente, recouvre une
réalité visuelle unique et se charge d’une symbolique secrète, énoncée mais dissimulée en une seule image, allégorie du sens.
Il s’agit bien d’une métaphore qui rapproche plusieurs éléments et crée une image à partir d’un mot abstrait.
Dans cette perspective, le choix s’est imposé à moi de les utiliser comme des « blasons » ou encore des « emblèmes », à savoir comme un ensemble de symboles et / ou de signes codi és constituant les armoiries d’une collectivité, et de les accrocher en hauteur dans un jeu de correspondances aléatoires entre le sens que chaque Compacité recouvre et l’œuvre qu’elle surmonte et qui lui est ainsi rapprochée par un accrochage pensé en fonction des impératifs donnés par chaque artiste.
Chaque pièce de Philippe Cazal constitue donc un ensemble qui forme en lui-même un système d’interaction complexe. Il ne restait qu’à étendre ce fonctionnement de sorte qu’il interagisse entre trois entités: le spectateur, le mot en quelque sorte enseveli dans une Compacité et l’œuvre qu’elle voisine. À la tentation de la correspondance ouverte et formelle entre la subjectivité des choix opérés à travers ces artistes et leurs œuvres, j’ai été tenté d’opposer l’aléatoire et le caché à la manière des Voyelles de Rimbaud, des Correspondances de Baudelaire ou des contraintes que s’imposait Georges Perec… Sachant que chaque artiste présenté a cherché à découvrir au-delà des apparences sa propre vérité sur le monde… chacun faisant naître de la confusion sa clarté. Au spectateur, ensuite, de se forger ses propres liaisons ou sa lecture et d’inventer son histoire personnelle.
Outre un rappel récurrent de questions d’espace, sinon d’architecture, ces œuvres choisies tissent entre elles d’autres liens éminemment poétiques faisant appel aux mots, à la lumière et aux idées, à travers un choix de concepts et d’images. Elles ont en commun une pensée sur l’art, sa fragilité et l’évanescence – plus que jamais éprouvée par les créateurs – de ses pratiques. Et il va de soi que les installations, constructions, peintures, photographies, vidéos, dessins…, ici montrées participent toutes d’un imaginaire contemporain complètement décloisonné et absolument décomplexé.
À mon grand étonnement, ce défenseur convaincu des œuvres picturales patrimoniales me répond sans hésitation: «Mais madame, l’architecture c’est le Grand art aujourd’hui, bien sûr » !
Alors que se passe t-il lorsque l’on accepte de répondre à une commande à géométrie variable comme celle qui m’a été proposée par la galerie GVCC ? La commande est plurielle: je dois en e et appuyer le développement international voulu par cette vitrine historique et importante aujourd’hui de l’art contemporain au Maroc. On me demande d’exposer de jeunes artistes attentifs à travailler ultérieurement sur la scène marocaine que je vais placer dans la proximité d’artistes plus anciens ou plus expérimentés. On me suggère également de choisir des œuvres rendant compte de perceptions des bouleversements actuels dans le monde. Et en n, ce qui n’est pas la moindre des commandes: il me faut mettre en perspective une série de pièces de l’artiste Philippe Cazal, déjà présent au Maroc depuis quelques années, qui se trouvaient en dépôt dans la galerie, à savoir Les Compacités.
Dans un pays, le Maroc, où la peinture est un art récent et toujours perçu comme le «Grand art», surtout par les collectionneurs, c’est une gageure; car ce qui se passe sur la scène internationale aujourd’hui n’a plus rien à voir avec la peinture en tant qu’entité artistique souveraine et exclusive.
Je suis donc partie, sans hésiter, des dites Compacités qui ne sont ni peintures, ni sculptures, ni concepts énoncés, ni textes, ni mots mais tout cela à la fois… À la rigueur, peut-être, pourrait-on parler de bas-reliefs « compactés » contemporains puisqu’ils recouvrent visuellement des mots choisis par l’artiste dont chaque lettre, emboitée dans la précédente, recouvre une
réalité visuelle unique et se charge d’une symbolique secrète, énoncée mais dissimulée en une seule image, allégorie du sens.
Il s’agit bien d’une métaphore qui rapproche plusieurs éléments et crée une image à partir d’un mot abstrait.
Dans cette perspective, le choix s’est imposé à moi de les utiliser comme des « blasons » ou encore des « emblèmes », à savoir comme un ensemble de symboles et / ou de signes codi és constituant les armoiries d’une collectivité, et de les accrocher en hauteur dans un jeu de correspondances aléatoires entre le sens que chaque Compacité recouvre et l’œuvre qu’elle surmonte et qui lui est ainsi rapprochée par un accrochage pensé en fonction des impératifs donnés par chaque artiste.
Chaque pièce de Philippe Cazal constitue donc un ensemble qui forme en lui-même un système d’interaction complexe. Il ne restait qu’à étendre ce fonctionnement de sorte qu’il interagisse entre trois entités: le spectateur, le mot en quelque sorte enseveli dans une Compacité et l’œuvre qu’elle voisine. À la tentation de la correspondance ouverte et formelle entre la subjectivité des choix opérés à travers ces artistes et leurs œuvres, j’ai été tenté d’opposer l’aléatoire et le caché à la manière des Voyelles de Rimbaud, des Correspondances de Baudelaire ou des contraintes que s’imposait Georges Perec… Sachant que chaque artiste présenté a cherché à découvrir au-delà des apparences sa propre vérité sur le monde… chacun faisant naître de la confusion sa clarté. Au spectateur, ensuite, de se forger ses propres liaisons ou sa lecture et d’inventer son histoire personnelle.
Outre un rappel récurrent de questions d’espace, sinon d’architecture, ces œuvres choisies tissent entre elles d’autres liens éminemment poétiques faisant appel aux mots, à la lumière et aux idées, à travers un choix de concepts et d’images. Elles ont en commun une pensée sur l’art, sa fragilité et l’évanescence – plus que jamais éprouvée par les créateurs – de ses pratiques. Et il va de soi que les installations, constructions, peintures, photographies, vidéos, dessins…, ici montrées participent toutes d’un imaginaire contemporain complètement décloisonné et absolument décomplexé.