Dans le cadre de la dixième édition de l'UE « Pratiques curatoriales » menée par les équipes de l'IAC, Villeurbanne et l'ENS, Lyon (Stéphanie Fragnon, Isabelle Baudino et David Gauthier).
Arriver après le XXe siècle, c’est arriver après ou avec, et peut-être aussi malgré soi, la destruction d’une certaine civilisation occidentale traditionnelle et de ce qui en constituait l’un de ses fondements, la religion. Dès 1882, l’on pouvait déjà lire sous la plume de Friedrich Nietzsche « Dieu est mort. » Un fossé historique et culturel nous sépare de lui et, pourtant, quelque chose de cette phrase peut toujours résonner en nous. L’effritement et la déliquescence de la figure divine nous ont invité à mener une enquête - que le même philosophe a formulée en ces termes : « Où est allé Dieu ? » - à travers les images de l’art. Sans aucunement faire l’apologie du christianisme, d’un dogme religieux, perdu et à retrouver, nous pouvons légitimement nous demander : que nous reste-t-il à croire ? Le constat est doux-amer : tout est spirituellement à ré-inventer mais de quoi faudrait-il partir sans recommencer ?
Arriver après le XXe siècle, c’est arriver après ou avec, et peut-être aussi malgré soi, la destruction d’une certaine civilisation occidentale traditionnelle et de ce qui en constituait l’un de ses fondements, la religion. Dès 1882, l’on pouvait déjà lire sous la plume de Friedrich Nietzsche « Dieu est mort. » Un fossé historique et culturel nous sépare de lui et, pourtant, quelque chose de cette phrase peut toujours résonner en nous. L’effritement et la déliquescence de la figure divine nous ont invité à mener une enquête - que le même philosophe a formulée en ces termes : « Où est allé Dieu ? » - à travers les images de l’art. Sans aucunement faire l’apologie du christianisme, d’un dogme religieux, perdu et à retrouver, nous pouvons légitimement nous demander : que nous reste-t-il à croire ? Le constat est doux-amer : tout est spirituellement à ré-inventer mais de quoi faudrait-il partir sans recommencer ?
Aujourd’hui, nous avons le sentiment que le manque spirituel de quelque chose – ce fameux je-ne-sais-quoi – qu’on ne sait même pas identifier s’agrandit de plus en plus pour creuser un abîme. L’absence se manifeste par la présence de ce même vide. Et si le dernier refuge du sentiment de religiosité, avant la recherche d’une spiritualité, avait été, paradoxalement, le corps, sa chair, son martyr ? Si l’on attendait du corps le retour d’une Révélation et la manifestation d’une présence enfin ré-incarnée ?
L’exposition se propose d’explorer ce sentiment d’absence en le manifestant par des représentations de corps, qu’ils soient souffrants, endoloris, humiliés, sensuels, en grâce ou en majesté. Réminiscences plus ou moins lointaines et disséminées de la figure christique qui permettrait de faire représentation d’états émotionnels vis-à-vis de cette absence : images de la souffrance, de la solitude, de la gloire, de l’extase, de l’humiliation. Si ce sentiment d’absence, que l’on essaie de combler par une présence sur-corporelle exhibée, se fait si insistant, c’est peut-être aussi qu’il nous inquiète : quelque chose paraît nous blesser et nous apaiser à la fois en-dehors et en-dedans de nous-mêmes à la vue de ces corps. Et si tout se résolvait en acceptant le profond mystère de cette présence-absence ? Et s’il fallait accepter qu’aujourd’hui on peut habiter le manque par la joie et la désolation en même temps ? « Graviter autour de ton supplice » disait déjà Saint-Jean dans son Évangile...
NOLI ME TANGERE tente de construire, entre les photographies et la sculpture, un regard qui erre entre surexposition des corps en manque et recherche d’un absolu spirituel par les plaies et chairs mêmes de ces corps. Il n’est pas anodin que les œuvres qui aient accroché nos regards soient des photographies: comme le disait déjà Roland Barthes, celles-ci créent des images et des corps fantômes qui s’offrent dans une temporalité particulière, oscillant entre le moment perdu de la prise et le moment où le regard se pose sur l’œuvre. D’autant plus quand les photographies sont en noir et blanc, c’est-à-dire qu’elles refusent aux corps la couleur, qu’elles l’intemporalisent et les rendent distants. Nous nous risquerons même à dire que nous avons pu observer un transfert de la représentation des corps (religieux, sacrés) de la peinture au médium moderne qu’est la photographie. L’on ne peut à ce propos faire l’impasse sur une donnée cruciale : toutes les œuvres choisies, à l’exception d’une, sont datées des années 1980 où le sentiment de désillusion et la libération et marchandisation des corps sont à leur comble. Mais alors, qu’est-ce qui aurait changé entre les années 1980 et le XXIe siècle ?
* “NE ME TOUCHE PAS”. Référence à une parole du Christ dans la Bible qui, après sa Résurrection, ordonne à Marie-Madeleine de ne pas le toucher.
L’exposition se propose d’explorer ce sentiment d’absence en le manifestant par des représentations de corps, qu’ils soient souffrants, endoloris, humiliés, sensuels, en grâce ou en majesté. Réminiscences plus ou moins lointaines et disséminées de la figure christique qui permettrait de faire représentation d’états émotionnels vis-à-vis de cette absence : images de la souffrance, de la solitude, de la gloire, de l’extase, de l’humiliation. Si ce sentiment d’absence, que l’on essaie de combler par une présence sur-corporelle exhibée, se fait si insistant, c’est peut-être aussi qu’il nous inquiète : quelque chose paraît nous blesser et nous apaiser à la fois en-dehors et en-dedans de nous-mêmes à la vue de ces corps. Et si tout se résolvait en acceptant le profond mystère de cette présence-absence ? Et s’il fallait accepter qu’aujourd’hui on peut habiter le manque par la joie et la désolation en même temps ? « Graviter autour de ton supplice » disait déjà Saint-Jean dans son Évangile...
NOLI ME TANGERE tente de construire, entre les photographies et la sculpture, un regard qui erre entre surexposition des corps en manque et recherche d’un absolu spirituel par les plaies et chairs mêmes de ces corps. Il n’est pas anodin que les œuvres qui aient accroché nos regards soient des photographies: comme le disait déjà Roland Barthes, celles-ci créent des images et des corps fantômes qui s’offrent dans une temporalité particulière, oscillant entre le moment perdu de la prise et le moment où le regard se pose sur l’œuvre. D’autant plus quand les photographies sont en noir et blanc, c’est-à-dire qu’elles refusent aux corps la couleur, qu’elles l’intemporalisent et les rendent distants. Nous nous risquerons même à dire que nous avons pu observer un transfert de la représentation des corps (religieux, sacrés) de la peinture au médium moderne qu’est la photographie. L’on ne peut à ce propos faire l’impasse sur une donnée cruciale : toutes les œuvres choisies, à l’exception d’une, sont datées des années 1980 où le sentiment de désillusion et la libération et marchandisation des corps sont à leur comble. Mais alors, qu’est-ce qui aurait changé entre les années 1980 et le XXIe siècle ?
* “NE ME TOUCHE PAS”. Référence à une parole du Christ dans la Bible qui, après sa Résurrection, ordonne à Marie-Madeleine de ne pas le toucher.