Née en 1987 à nantes (france)
VIT ET TRAVAILLE À PARIS (FRANCE)
Eva Barto a étudié le cinéma et l'art, respectivement à l'Université Paris 1-Panthéon Sorbonne et aux Beaux-Arts de Paris. Son travail précis et exigeant a fait l'objet de nombreuses expositions en France et à l'international. Elle a fondé le collectif La Buse, qui milite pour les droits et les rémunérations des artistes-auteurs ; également co-animatrice (avec Estelle Nabeyrat) de l'émission ForTune sur la webradio *Duuu.
« La vérité est ailleurs » : le célèbre énoncé de la série X-Files fait sens lorsqu'on pense au travail d'Eva Barto. Ses œuvres ne cessent de déborder les contours de la forme, elles tiennent davantage de l'opération que de l'objet. D'où la dimension anti-spectaculaire de ses expositions : l'essentiel est absent, soit que quelque chose se soit passé dont il ne reste que des traces résiduelles (The Infinite Debt, 2016) soit au contraire qu'il ne se soit pas produit ce qui était annoncé ( : to set property on fire, 2016). L'analyse formelle laisse place à une enquête, où se multiplient les énigmes, chausse-trappes et autres fausses pistes. Il faut pouvoir ressaisir le processus conceptuel qui préside à la production des œuvres – et qui bien souvent se referme sur lui-même. Un parti-pris radical que l'on peut résumer ainsi : l’œuvre ne se réduit pas à sa description et ne s'échange pas contre son image1.
Au travers d'une production indiciaire, Eva Barto soulève des questions ayant trait à divers mécanismes économiques, qu'elle déplace dans le monde de l'art : risque, gain, perte, spéculation, pari, bluff, dette, don, etc. L'artiste pose d'une manière inédite la question de la propriété (intellectuelle, matérielle) de l’œuvre et son existence en tant qu'entité économique, par le biais notamment de la dispersion dans le champ même de l'art. En trompe-l’œil, apparaissent les personnages d'une comédie de la circulation monétaire et du capitalisme financier, dont elle endosse les costumes, du flambeur (All In, 2015) au président d'une société-écran (Ouroboros, 2016). L'entreprise se prolonge par la publication de livres chez Buttonwood Press, la maison d'édition de l'artiste. Mais ceux-là même restent illisibles, suivant un double mouvement de divulgation et de dissimulation. Le caviardage (L'abandon au profit, 2016) équivalant à la dispersion physique de l’œuvre, fait pleinement partie de son mode de production : pour advenir, l’œuvre doit passer par pertes et profit.
1 Ou pour le dire mieux : « Narrer, enseigner, même décrire, cela va et encore qu'à chacun suffirait peut-être, pour échanger la pensée humaine, de prendre ou de mettre dans la main d'autrui en silence une pièce de monnaie [...] ». Stéphane Mallarmé, « Avant-dire au Traité du Verbe », in Œuvres complètes, La Pléiade, 1945.