Né en 1935 à Gallargues-le-Montueux (France) – Décédé en 2005 à Mouriès (France)
Après avoir appris son métier de sculpteur dans divers ateliers parisiens, Toni Grand expose dès le milieu des années 1960. Il participe à la Biennale de Venise en 1982 et à la documenta X de Cassel en 1997. Des musées européens importants lui consacrent des expositions personnelles, parmi eux le Centre Pompidou à Paris (1986), le Musée d’art contemporain de Lyon (1989), le Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig à Vienne (1994) et le Musée des Beaux-Arts de Nantes (2003). À côté de son activité artistique, il a enseigné dans plusieurs écoles d’art en France.
De 1962 à 1967, l’artiste réalise des structures en plomb, en polyester et en acier inoxydable. Il expose en 1967 des « prélèvements », formes tronquées dont il change chaque jour la position afin de ne privilégier aucun point de vue. Puis, jusqu’en 1975, il travaille exclusivement le bois. Il pratique alors ce qu’il appelle une « lecture déconstructive » de la sculpture traditionnelle, à travers l’analyse des transformations successives du bois avant la naissance d’une forme.
Proche, au début des années 1970, du groupe Supports/Surfaces, il privilégie plus tard l’expérience à la théorie et préfère rester en marge, reposant la question de la relation entre la structure (logique, ordre, mesure, répétition, transparence) et le hasard (chaos, spontanéité, imprévisibilité, secret). En 1975, il découvre le polyester stratifié, qui épouse la forme qu’elle recouvre comme une seconde peau. Il l’associe bientôt au bois, aux os et aux pierres. Il dit avoir « des visions d’objets finis » et « préfère un matériau sans valeur, sans détail ou anecdote repérable, sans date, ce qui bouscule peut-être la ligne passé-présent-futur. » (entretien avec Catherine David et Alfred Pacquement, in : Toni Grand. Paris : Éd. Centre Georges Pompidou, 1986). Les formes naissent, non d’esquisses, mais de la nécessité de travailler telle ou telle matière, avec ses différences de temps et de gestes spécifiques, dans une logique organique.
À partir de 1986, il fige ainsi des poissons (anguilles ou congres). D’une expressivité puissante, l’aspect inhabituel engendré par ce procédé enrichit l’œuvre de contenus psychologiques et associatifs. Les poissons enchâssés constituent un élément inquiétant : le corps vivant est figé alors que la surface des formes abstraites exprime quelque chose de fortement sensuel, posant la question du rapport de la forme et du contenu. Pour Toni Grand, le poisson est « un matériau sans valeur, sans détail ni histoire ». Les œuvres prennent la forme de conglomérats géométriques. La référence organique et réaliste des poissons est ainsi mise en perspective, dans ses sculptures pourtant minimales, par la géométrie des formes et la modularité des éléments. La forme est entièrement visible, déterminée, par exemple, par celle des congres : c’est ce qui la rend à chaque fois semblable et différente, entre le végétal et l’architectural. Cela peut donner naissance à des volumes aux aspects les plus contraires, de la colonne à des formes enflées qui semblent ramper au sol, orchestrant de surprenantes combinaisons duelles. Chaque sculpture est en contact direct avec le lieu au sens où, toujours dépourvue de socle, elle fait corps avec le sol, parfois avec le mur sur lequel elle s’adosse, comme une présence, une mémoire vivante posée là.