Né en 1960 à Oberneukirchen (Autriche)
Vit et travaille à Berlin (ALLEMAGNE) et à New York (États-unis)
Marqué par une formation en génétique, zoologie et linguistique, Peter Friedl a commencé par peindre des animaux. Il se fait remarquer lors de la Biennale de Venise de 1993 avec des affiches portant la mention « I SURVIVED THE GERMAN PAVILION », clin d’œil à l’exposition d’Hans Haacke qui occupe alors le pavillon allemand. En 1998, pour l’exposition Peter Friedl au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, il organise une performance collective où les visiteurs, adultes et enfants, sont invités à revêtir des déguisements d’animaux fabriqués pour l’occasion. Présent à la 48e biennale de Venise dans le pavillon autrichien, il édite à cette occasion un catalogue qui n’est autre qu’un cahier de coloriages. Playgrounds, une série de photographies débutée en 1995 qui documente des aires de jeux à travers le monde, est une de ses œuvres les plus emblématiques.
Le Witte de With de Rotterdam, le MACBA de Barcelone, la Kunsthalle de Bâle lui ont consacré des expositions personnelles importantes, respectivement en 2004, 2006 et 2008. Plus récemment, l’exposition Teatro a été présentée à la Kunsthalle de Vienne en 2019 puis à Carré d’Art, Nîmes, en 2020.
Peter Friedl a participé aux documenta X (1997), 12 (2007) et 14 (2017) et à des Biennales internationales comme celle de Sharjah en 2019.
Les œuvres de Peter Friedl prennent des formes multiples et s’inscrivent dans des territoires divers. La réalité du monde actuel est en quelque sorte filtrée au travers de l’enfance, du monde animal, de l’organisation de l’espace, ou de l’histoire intellectuelle et révolutionnaire du XXe siècle. On peut ainsi, avec Roger M. Buergel, placer le travail de Peter Friedl sous le signe d’une recherche « des accès à la modernité sous les conditions de la globalisation1 ». Dans cette perspective, les recherches de Peter Friedl s’inscrivent aujourd’hui encore dans un parti pris fondamental de contestation des pouvoirs qu’il s’agit pour l’artiste de « désarmer » : ceux qui s’appuient sur la maîtrise de la langue et de la représentation. La forme des œuvres importe peu, mais la problématique reste dense et ardue en des temps qui ont entériné l’échec des solutions révolutionnaires. La méthode critique de Friedl emprunte des chemins détournés pour parvenir à cette neutralisation des fonctionnements habituels de restriction de la liberté de penser et de la liberté tout court. Les malentendus et les détournements de l’attente du spectateur créeront les écarts propres à la mise en œuvre de son autonomie de pensée. Au cœur de la contestation, c’est la destruction de la relation d’autorité de l’art avec ses « savoirs » qui est visée. La (re)construction personnelle du sens passe par le refus des modèles imposés de réflexion sur les réalités sociales, économiques, esthétiques et politiques.
Détruire la relation d’autorité avec la représentation, c’est déstabiliser l’ordre qui le structure, et en particulier, c’est perturber la confiance dans la représentation, dont le pouvoir use pour asseoir son autorité mais aussi son autoritarisme. Friedl ne croit pas plus dans les images que dans les formes. Le visible n’est pas l’essentiel dans son travail : l’approche de la conception et du discours sont décisifs. Il veut maintenir la forme à distance, adapter la forme aux rituels, aux secrets et aux besoins de l’existence, et s’ouvrir à la banalité de la vie.
« [Peter Friedl] a saisi l’importance décisive d’un déplacement de cette matérialisation du niveau de la forme à celui du contenu, c’est-à-dire depuis la macrosphère du formalisme vers la microsphère du politique, et a transposé en conséquence les règles du jeu artistique, de sorte que les règles purement esthétiques qui président à la construction de l’objet définissent dorénavant le cadre de champs d’action sociaux2 ».
1 Roger M. Buergel, « L'intelligence des Français ou la vérité sur Peter Friedl » conférence prononcée en 2003 à l’IAC de Villeurbanne, qui avait présenté l’exposition Peter Friedl: luttesdesclasses en 2002.
2 Avant-propos du catalogue Peter Friedl, Dresde, Verlag der Kunst, 1999.